Construction au bout du monde : Dernière saison de construction d'une installation de recherche en Antarctique

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Image : British Antarctic Survey Image : British Antarctic Survey

C’est peut-être l’hiver dans l’hémisphère nord, mais en Antarctique, c’est le début de l’été, lorsque les températures dans les régions côtières peuvent atteindre un agréable 0 °C.

C’est peut-être l’hiver dans l’hémisphère nord, mais en Antarctique, c’est le début de l’été, lorsque les températures dans les régions côtières peuvent atteindre un agréable 0 °C.

Cela signifie le début d'une septième et dernière saison de construction pour mener à bien l'un des projets les plus complexes jamais entrepris dans les régions polaires.

Après six saisons de travaux, le bâtiment Discovery de la station de recherche Rothera, située sur l'île Adélaïde au large de la péninsule antarctique, est presque terminé et prêt à être livré en avril 2026.

Alors que la saison estivale 2025-2026 avance, le programme de modernisation se concentre désormais sur la mise en service définitive du bâtiment de 60 chambres, qui centralise l'ensemble des services d'électricité, d'eau potable, d'évacuation des eaux usées, de chauffage et de communication. Parallèlement, il permet de réduire de 25 % les émissions de carbone du British Antarctic Survey (BAS) à Rothera.

Dans le bâtiment Discovery, les travaux consistent à tester et à vérifier le bon fonctionnement des systèmes mécaniques, électriques et de plomberie, ainsi qu'à optimiser le réglage des générateurs afin qu'ils récupèrent et utilisent un maximum de chaleur. Des travaux de peinture et de décoration seront également effectués, ainsi que des tests de détecteurs de fumée.

Parallèlement, les travaux de cette saison comprennent également la déconstruction de six bâtiments datant des années 1970.

Toutes ces responsabilités sont assurées par une équipe de 45 contractuels, appuyée par une équipe de supervision du BAS composée de cinq personnes qui résideront en Antarctique pendant les six mois de la saison. Ils travailleront aux côtés d'environ 120 membres du personnel opérationnel du BAS menant des recherches à la station, située dans l'un des endroits les plus reculés de la planète.

L'effort final pour l'achèvement

Comme le souligne David Brand, chef de projet senior chez BAS (basé cette saison au Royaume-Uni mais qui a travaillé les saisons précédentes à la station), la fenêtre saisonnière est sans compromis.

Prenons l'exemple de la déconstruction de ces bâtiments des années 1970. Ils doivent être entièrement démantelés avec soin (en raison de leur ancienneté, ils contiennent de l'amiante et même de la peinture au plomb). Les travaux consistent à isoler les réseaux, à vider les espaces intérieurs et à les démanteler à temps pour que les déchets puissent être chargés dans des conteneurs et transportés par bateau vers le Royaume-Uni en vue de leur recyclage.

Le bâtiment Discovery de la station de recherche Rothera, en Antarctique Image : Matt Hughes, BAS

Le navire arrive en mars, ce qui signifie qu'il est impératif de respecter cette échéance. Brand reste néanmoins confiant et une marge de manœuvre est prévue dans le calendrier pour pallier d'éventuels retards.

Il y a eu des retards, bien sûr : cette dernière saison clôt un projet de construction initialement prévu sur quatre saisons. S’il s’est étendu à sept saisons, c’est moins dû aux difficultés du rude environnement antarctique qu’aux retards causés par la pandémie de Covid-19.

Cela ne signifie pas pour autant que l'Antarctique ne présente pas un environnement de construction unique en son genre. L'été commence peut-être en décembre, mais les conditions à Rothera peuvent encore changer rapidement. Les chutes de neige ne se limitent pas à l'hiver ; elles sont fréquentes durant les intersaisons, lorsque les températures fluctuent et que l'eau de fonte peut regèler, créant ainsi des conditions de sol variables, explique Brand.

Brand souligne que la variabilité de la neige et de la glace remet constamment en question ses hypothèses. « Il y a tellement de défis à relever. On imagine que la neige se comporte d'une certaine manière, et pourtant elle nous surprend toujours par sa grande variabilité : elle peut être verglacée, très molle, et son comportement varie considérablement autour du bâtiment. »

Le travail en hauteur est interdit par vents violents, tandis que les basses températures imposent des pauses plus fréquentes pour permettre aux travailleurs de se réchauffer. Ils ont également besoin d'équipements de protection individuelle (EPI) spécifiques.

« Il faut aussi être particulièrement vigilant quant à la présence de signaleurs, surtout en ce qui concerne la circulation dans ce genre de conditions, dans une station en activité. Avant le début de la saison, il est indispensable de définir les plans de gestion du trafic, les plans de déneigement et les plans d'intervention. Chaque activité est examinée par l'entrepreneur principal et le sous-traitant avant d'être validée par nos soins », ajoute Brand.

Réponses d'ingénierie au climat et à la géographie

Le Discovery Building a été conçu dès le départ pour fonctionner dans des conditions climatiques uniques : froid extrême, charges de neige variables, vents violents et périodes prolongées de lumière ou d’obscurité selon la saison. BAS a collaboré avec l’entreprise de construction BAM et le bureau d’études Ramboll sur une modélisation à long terme afin d’éclairer les décisions de conception. Ils ont adopté une approche de type « construction préliminaire », avec des prototypes au Royaume-Uni, la modélisation numérique et des éléments préfabriqués.

Brand décrit également une approche à plusieurs niveaux pour atténuer les risques. « Nous avons réalisé une modélisation de la neige avant de commencer le projet. Nous avions une bonne idée grâce à des années de données météorologiques. Nous avons également effectué une évaluation des changements climatiques futurs. » Mais il ajoute que les conditions locales ne rendent pas les choses totalement prévisibles.

La station de recherche Rothera en Antarctique sous la neige Image : BAM

La situation géographique de Rothera, entourée par la mer, ajoute à la complexité car les températures de la mer affectent les conditions météorologiques locales et les flux de vent autour du bâtiment.

L'un des éléments les plus remarquables est le grand déflecteur de vent situé sur la façade sud. Son rôle est d'orienter le flux d'air autour du bâtiment afin que la neige soit évacuée loin de son emprise au sol, réduisant ainsi le besoin de déneigement mécanique. Cependant, même cette intervention délibérée a engendré des conséquences inattendues. Des tourbillons de neige se sont formés dans des zones que la modélisation prévoyait comme restant dégagées. Il en résulte un ajustement constant des éléments extérieurs, notamment des persiennes protégeant les systèmes d'entrée d'air, qui peuvent accumuler et geler la neige dans certaines conditions.

D'autres adaptations comprennent des solutions de conception qui empêchent les portes extérieures de geler. Ces améliorations permettent au bâtiment de rester opérationnel pendant l'hiver antarctique, lorsque la station est occupée par une petite équipe hivernante.

Des panneaux solaires ont été installés sur la façade nord du bâtiment, plutôt que sur le toit, afin de maximiser l'exposition durant les longues journées d'été et de limiter l'impact de l'accumulation de neige. Le système de gestion technique du bâtiment joue également un rôle essentiel, permettant d'ajuster la consommation d'énergie en fonction de l'occupation, qui peut varier considérablement entre la haute saison estivale et la saison hivernale.

Vivre et travailler à la gare

La construction en Antarctique présente une autre particularité : les ouvriers ne se contentent pas de vivre et de travailler sur le site, ils le font aux côtés du « client » : le personnel opérationnel du BAS, composé d’environ 120 personnes. Les équipes de construction vivent, mangent et passent du temps avec le personnel de la station, et doivent s’adapter à un environnement où vie professionnelle et vie personnelle sont indissociables.

Ce dispositif exige une coordination rigoureuse. Du personnel supplémentaire (des cuisiniers supplémentaires, par exemple) est mobilisé pendant les périodes de travaux pour faire face à l'afflux de population, explique Brand. Des activités sociales sont également organisées afin de favoriser les échanges entre les personnes qui vivent en étroite proximité les unes des autres durant toute la saison.

Héritage

La livraison complète du bâtiment Discovery en avril 2026 marquera une importante amélioration des capacités scientifiques et opérationnelles de Rothera.

En regroupant sous un même toit l'énergie, l'eau, la logistique, le stockage, les ateliers et les installations de bien-être, cela permet au personnel du BAS de se préoccuper moins des défis logistiques et opérationnels quotidiens liés à la présence en Antarctique et leur donne plus de temps à consacrer à la science, explique Brand.

Cela permet également au Royaume-Uni de maintenir une présence durable en Antarctique à un moment où la recherche et la surveillance environnementales sont de plus en plus cruciales.

La pandémie de Covid-19 a contraint l'équipe du projet à prioriser certains aspects, compte tenu des ressources limitées dont elle disposait, comme la réfection de la piste de l'aéroport et la modernisation de l'éclairage. Ce réordonnancement des travaux a non seulement allongé les délais, mais a également engendré une hausse des coûts. Brand ne peut toutefois pas encore communiquer les chiffres définitifs, ceux-ci étant toujours en cours d'évaluation. Sans surprise, il souligne néanmoins que « le coût au mètre carré est plus élevé que pour un bâtiment au Royaume-Uni, principalement en raison des contraintes logistiques : il faut acheminer tous ces matériaux sur place. »

Ce que BAS obtiendra à la fin de cette saison, c'est un bâtiment conçu pour une durée de vie de 60 ans qui ne nécessitera pas d'entretien majeur pendant les 25 premières années, consolidant ainsi la présence de BAS en Antarctique pour longtemps.

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